La Scène Nationale du Parvis Tarbes Pyrénées accueillait ce samedi 29 janvier une nouvelle coproduction autour de l’unique opéra de Debussy. Issu d’un travail en résidence de jeunes artistes soutenus par la Fondation Royaumont, ce projet se fixe pour objectif de pénétrer la psychologie du drame « au plus près des voix », en proposant une version réduite pour piano à l’accompagnement.

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Pelléas et Mélisande mis en scène par Patrice Caurier et Moshe Leiser
© Guillaume Castelot - Châteauvallon-liberté - Scène Nationale

Face à un public clairsemé, un décor minimaliste : outre un canapé moderne et le piano, une longue cloison en bois brut flanquée d’une porte centrale toute simple. Réduisant les dimensions de la grande scène, ce dispositif accentue avant tout le caractère intimiste voulu par la production. En effet, il n’aura que peu d’utilité, si ce n’est le va-et-vient des personnages dans la mise en scène de Patrice Caurier et Moshe Leiser. Cette réalisation est cependant loin d’être creuse et communique magnifiquement avec le symbolisme de l’œuvre et la psychologie des personnages. Les lumières de Christophe Forey et Eric Marynower sont rudement expressives, jouant sur la clarté jaune et un léger bleu tamisé pour évoquer l’obscurité vue et ressentie par les personnages lors des changements d’affects et de cadres (forêt, grotte, intérieurs, etc.).

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Pelléas et Mélisande mis en scène par Patrice Caurier et Moshe Leiser
© Guillaume Castelot - Châteauvallon-liberté - Scène Nationale

Mais ce sont sans doute les costumes de Sandrine Dubois qui portent la plus grande force symbolique. Les vêtements sont d’abord la marque de chaque génération. Ainsi Arkel et Geneviève portent le trois pièces et la robe de soirée, Pelléas, Golaud et Mélisande des costumes et nuisettes plus décontractées alors qu’Yniold porte sweat, bonnet et casque audio très urban style ! Le costume suit également l’évolution des personnages : ainsi Golaud passe de l’ivrogne débraillé au costume plus strict et enfin au trois pièces en fin d’opéra. De même Mélisande passe du sweat à capuche de la jeune femme perdue en forêt à la nuisette de l’amante de Pelléas, de la robe à fleurs très domestique lorsqu’enceinte de Golaud au petit gilet de la malade chétive en fin de vie. La présence du fauteuil roulant sur scène, d’abord attribut d’Arkel mais sur lequel vont passer plusieurs personnages, est aussi pleinement exploitée.

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Pelléas et Mélisande mis en scène par Patrice Caurier et Moshe Leiser
© Guillaume Castelot - Châteauvallon-liberté - Scène Nationale

Le plateau est extrêmement prolifique sur le plan vocal et scénique. Jean-Christophe Lanièce (Pelléas) livre une prestation vocale claire ne laissant éclater que rarement sa voix de ténor et se livrant à un rôle d’amant carrément niais. Marthe Davost (Mélisande) lui répond avec au contraire une palette vocale contrastée et des attitudes scéniques fortes. Les deux chanteurs se répondent brillamment dans la scène de la tour, remplacée ici par le piano sous lequel Pelléas chante couché et sur lequel Mélisande se hisse puis s’allonge langoureuse. Dans le rôle du roi, Cyril Costanzo (Arkel) impose avec sobriété sa voix de basse dans les moments clefs, notamment l’attente de l’expiation de Mélisande. Marie-Andrée Bouchard-Lesieur (Geneviève) intervient peu mais est souvent présente sur scène, renforçant son rôle de mère discrète mais attentive et empathique. Cécile Madelin (Yniold) illustre bien la peur comme l’amour de son père. Elle est la seule néanmoins, avec Marthe Davost dans les parties les plus aiguës, à ne pas livrer un texte toujours compréhensible là où tout le plateau affiche une diction parfaitement intelligible.

<i>Pelléas et Mélisande</i> mis en scène par Patrice Caurier et Moshe Leiser &copy; Guillaume Castelot - Châteauvallon-liberté - Scène Nationale
Pelléas et Mélisande mis en scène par Patrice Caurier et Moshe Leiser
© Guillaume Castelot - Châteauvallon-liberté - Scène Nationale

Dans cette distribution de qualité, Halidou Nombre (Golaud) est le plus impressionnant sur scène, actualisant le rôle du mari violent ne reconnaissant pas ses torts. Sa voix de baryton montre une technique très riche alors que son jeu très charismatique sert même les passages les plus noirs de l’œuvre. Il se montre capable de faire sursauter le public de son coup de poing sur le mur comme de faire fléchir les cœurs lorsqu’il exige le pardon de Mélisande. Au piano mais également à la préparation musicale avec Jean-Paul Pruna, Martin Surot dose son instrument avec application, ne surgissant qu’à des moments charnières du drame ou durant les parties strictement instrumentales. Ces dernières sont tout de même exploitées scéniquement et sont très réussies, comme l’arrivée de Golaud titubant ou lorsque celui-ci s’assoie, dos au public, sur le canapé double avec Pelléas, laissant imaginer une réconciliation qui ne viendra pas. L’arrivée d’Arkel fait même l’objet d’un petit traitement scénique, Martin Surot s’interrompant pour se lever et saluer le roi avant de reprendre.

Loin d’être une simple « réduction », cette production est au contraire une belle réussite en termes de choix artistiques qui n’a rien à envier à de plus grands dispositifs. Le drame est exploité à sa juste mesure et la mise en scène est ici pleinement au service du texte, des évolutions constantes des consciences et de la musique de Debussy, ne faisant que renforcer l’universalité malheureuse de la pièce de Maeterlinck.

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