C’est désormais une tradition à Bachtrack : quand arrive la saison nouvelle, nous vous proposons une sélection de dix jeunes artistes – ou groupes d’artistes – qui se sont distingués récemment et pourraient marquer vos esprits dans les mois à venir… Ils sont solistes, chambristes, musiciens ou chefs d’orchestre, chanteurs, compositeurs et metteurs en scène, parfois même un peu de tout cela à la fois : par la richesse de leurs profils et la multiplicité de leurs talents, ils ont tous retenu notre attention et méritent le détour.

Lorraine Campet, contrebasse
Voilà un oiseau rare, qui s’est très tôt fait remarquer par sa polyvalence étonnante : tout en tenant son poste de contrebasse co-soliste à l’Orchestre Philharmonique de Radio France, Lorraine Campet a mené une double vie de violoniste, notamment au sein du Quatuor Confluence avec lequel elle remporta le Concours de Trondheim en 2019. Mais l’aventure à quatre est désormais finie, la Maison ronde est loin et voici la jeune contrebassiste lancée vers d’autres horizons : l’an passé, elle a triomphé aux dernières Victoires de la musique classique (catégorie « Révélation Soliste Instrumental »), a été nommée contrebasse supersoliste à l’Orchestre de l’Opéra de Paris et a sorti un superbe album en compagnie du pianiste Nathanaël Gouin. À ce rythme-là, c’est le genre d’artiste qui pourrait tout simplement marquer l’histoire de son instrument.
Félix Roth, cor et composition
Avec lui, les amateurs de profils singuliers sont servis : notez déjà que Félix Roth est un formidable corniste multifonction, capable de jouer des créations sur cor moderne ou d’interpréter la musique ancienne sur instrument époque de la manière la plus informée qui soit – tant et si bien que tout le monde se l’arrache, du Het Collectief au Concert de la Loge. Mais dans le même temps, ce musicien accompli a fourbi dans l’ombre d’un cursus au CNSMD de Paris des armes de compositeur qui chatouillent à présent les oreilles… et pas les oreilles de n'importe qui, puisqu’il sera à l’affiche du prochain Festival Présences à Radio France. Il faut aller l’entendre pour le croire.
Mirabelle Kajenjeri, piano
« C’est toujours un bonheur de découvrir un excellent pianiste ! », écrivait Rémi Monti il y a un an après avoir entendu pour la première fois Mirabelle Kajenjeri en récital. Depuis, la jeune pianiste s’est fait un nom : lauréate de la Fondation Gautier Capuçon avec qui elle se produira au Théâtre des Champs-Élysées et à Rome, elle est entrée en résidence dans la formidable pépinière qu’est la Chapelle musicale Reine Élisabeth et a enchaîné au dernier Concours Reine Élisabeth dont elle fut l’une des révélations. Son Concerto de Poulenc avec l’Orchestre de l’Opéra national de Lorraine en janvier prochain est donc logiquement très attendu, mais on aurait tort de la résumer à sa seule virtuosité solistique : cette artiste née de parents burundais et ukrainiens est aussi une médiatrice accomplit qui donne aisément des conférences, comme elle a pu le faire en 2021 en évoquant son parcours singulier aux TEDx Roubaix.
Nicolas Garrigues, alto
Son talent de chambriste était déjà connu des initiés – Alain Lompech a d’ailleurs pu le constater au Festival de Marvão cet été. Mais en remportant en janvier dernier le Deuxième Prix au Concours Lionel Tertis, Nicolas Garrigues s’est révélé tout simplement comme un des grands altistes de demain – il rejoint Manuel Vioque-Judde et Paul Zientara au rayon des altistes français primés à cet exigeant concours international, ce qui suffit à situer le niveau du bonhomme ! Ce jeune musicien se serait bien vu poursuivre sa carrière outre-Atlantique où il a vécu ces trois dernières années, mais le contexte géopolitique l’a incité à revenir dans l’Hexagone… Les mélomanes français ne s’en plaindront pas et l’Orchestre Philharmonique de Radio France non plus, qui l’a accueilli à bras ouverts au poste de deuxième solo. C’est aussi du côté des compétitions qu’il faudra le suivre, puisqu’il figurera parmi les favoris d’un Concours de Genève qui s’annonce très relevé.
Alizé Léhon, direction d’orchestre
Sitôt son prix du CNSMD de Paris en poche, Alizé Léhon s’est distinguée l’an passé au sein de la prestigieuse Gstaad Conducting Academy : lauréate du Prix Neeme Järvi, elle fut invitée à diriger le Musikkollegium Winterthur et le Sinfonieorchester Basel – ce qu’elle fera donc cette saison. Mais il n’y aura pas besoin de traverser la frontière pour aller voir cette jeune cheffe qui monte quatre à quatre les marches de sa carrière : elle vient d’être nommée cheffe assistante de l’Orchestre National d’Île-de-France pour les deux prochaines saisons et diverses institutions de l’Hexagone l’ont programmée – pour un programme symphonique à l’Opéra Orchestre National Montpellier, un Enlèvement au sérail à l’Opéra de Tours… Voilà décidément une cheffe d’orchestre qu’il ne faut pas quitter des yeux.
Quentin Vogel, violon
La nouvelle n’est pas passée inaperçue au début de l’été, quand l’Orchestre National du Capitole de Toulouse annonça avoir recruté un tout jeune violon solo en la personne de Quentin Vogel (né en 2000). Mais le garçon n’était pas un inconnu : passé par l’Académie Jaroussky, remarqué par Gautier Capuçon avec lequel il a joué le mois dernier lors de la tournée « Un Été en France », il s’est déjà produit sur bien des scènes de France et de Navarre en orchestre, en musique de chambre et en soliste (avec l’Orchestre national Auvergne-Rhône-Alpes, entre autres). Il faudra donc redoubler d’attention pour le suivre, en orchestre dans la Ville rose et dans le reste de ses pérégrinations solistico-chambristes…
Mathilda du Tillieul McNicol, mise en scène
Après avoir travaillé auprès de Katie Mitchell, Richard Jones ou encore David McVicar, Mathilda du Tillieul McNicol déploie ses propres ailes de metteuse en scène et cela devrait mériter le coup d’œil. Car cette jeune Britannique n’est pas seulement passionnée d’art lyrique : c’est une touche-à-tout qui aime joindre ses propres créations sonores à ses œuvres théâtrales, mêler films et photographies dans ses spectacles lyriques… Peu connue encore de ce côté-ci de la Manche, la voilà qui débarque par la grande porte à l’Opéra national du Rhin à l’invitation d’Alain Perroux pour une nouvelle production des Noces de Figaro, excusez du peu ! Et lors de la présentation de saison, le directeur de la maison alsacienne n’a pas tari d’éloges à son sujet…
Michèle Bréant, soprano
Comme son collègue Abel Zamora (voir plus loin), elle fut l’une des révélations de la dernière production de l’Arcal, un Don Giovanni formidable qui fera une sacrée tournée dans l’Hexagone la saison prochaine : si elle passe près de chez vous, ne la manquez pas ! Michèle Bréant y incarne une Zerlina « tout simplement délicieuse, sans coquetterie inutile, vocalement irréprochable » selon Jean-Pierre Rousseau. Ajoutons que cette soprano a plus d’une corde à son arc : membre de l’Académie de l’Opéra-Comique la saison passée, elle brille également en musique ancienne (elle incarnera Dorinda dans la reprise de l’Orlando des Talens Lyriques à l’Opéra national de Lorraine et au Théâtre de Caen) et excelle dans le répertoire de la mélodie et du lied en duo avec Gabriel Durliat.
Abel Zamora, ténor
C’est un ténor qui monte parmi la jeune génération, et qui monte vite : capable de s’illustrer aussi bien en musique ancienne (dans Armide de Lully avec Les Talens Lyriques) que dans la création contemporaine (récompensé à ce titre au dernier Concours International de Musique de Chambre de Lyon), Abel Zamora a étalé toute sa classe dans le fameux Don Giovanni de l’Arcal que l’on ne peut que recommander (cf. paragraphe précédent). « Il a déjà une science du chant mozartien (…). On n’est pas près d’oublier son miraculeux “Dalla sua pace” », écrivait Jean-Pierre Rousseau à son sujet. On ne sera donc pas surpris de voir le chanteur au four et au moulin la saison à venir, reprenant du service sous la direction de Christophe Rousset dans Cadmus et Hermione à la Philharmonie, donnant la réplique à Charles Castronovo dans Roméo et Juliette au Théâtre des Champs-Élysées ou s’attaquant à Tchaïkovski dans Iolanta à l’Opéra National de Bordeaux.
Simply Quartet, quatuor à cordes
Leur premier album dédié à Mendelssohn et Dvořák est paru au début de l’année et a forcé l’admiration des observateurs. Les quatre musiciens du Simply Quartet ne sont toutefois pas des bleus dans le milieu de la musique de chambre. Fondé en Chine, nourri ensuite par les meilleures traditions viennoises (auprès de Johannes Meissl, Hatto Beyerle, Günter Pichler…), le groupe s’est déjà distingué en France en remportant l’édition 2019 du Concours de Bordeaux. Mais depuis, malgré leur passage sous le label « ECHO Rising Stars » en 2021 qui leur a permis de sillonner l’Europe et le monde entier, les quatre jeunes musiciens avaient quelque peu disparu des radars de l’Hexagone… Après les promesses semées par leur superbe disque, on guette avec impatience leur venue prochainement à Lyon.