Des façades d’immeubles à la peinture défraîchie, du linge suspendu aux balcons, un panneau publicitaire, une poubelle, une voiture garée, un bar à tapas et un tintement de vaisselle… Rien n’y manque, vous voilà au beau milieu d’une rue méditerranéenne !
Arrive d’abord une bande de musiciens pétulants donnant l’aubade sous le balcon d’une belle, puis ce roublard de Figaro, barbier di qualità, qui sait se rendre indispensable auprès de chacun. C’est alors que l’immeuble pivote sur lui-même et que Figaro vous fait visiter la demeure du médecin Bartolo et de sa pupille Rosina. Vous attendez impatiemment de découvrir le salon de musique que vous imaginiez tout à l’heure derrière la fenêtre ? Votre curiosité sera amplement satisfaite. Voici le salon, certes, mais aussi la cuisine, la salle de bain, la chambre de Rosina au rez-de-chaussée et celle de la femme de chambre Berta au second, ainsi que la cage d’escalier où tous ces personnages délurés n’ont de cesse de se croiser.
Tel est le décor unique, mobile, conçu par Paolo Fantin en connivence avec le metteur en scène Damiano Michieletto pour le Barbier de Séville de Rossini. Le décorateur attitré de Michieletto parvient à mettre à profit les possibilités techniques et le grand espace scénique offerts par l’Opéra Bastille. Du même coup, le jeu d’acteurs trouve un nouveau souffle. Les différents protagonistes passent sans arrêt d’une pièce à l’autre, de l’intérieur à l’extérieur, et le spectateur désireux peut désormais savoir ce que fait Rosina lorsque Bartolo et le maître de musique Basilio conspirent. Aussi, n’est-il pas plus vraisemblable que Bartolo peine à entendre les confidences entre sa pupille et le séduisant Almaviva s’il se fait raser la barbe… dans la pièce voisine ? De même que l’oreille s’efforce de saisir chaque note de la riche polyphonie rossinienne, l’œil est stimulé par cette surabondance d’informations simultanées. Le contrepoint se fait à la fois visuel et sonore et c’est ainsi que la mezzo-soprano Karine Deshayes n’hésite pas à évoquer sur France Info une « mise en scène orchestrée comme une partition ».