Quelques fois sur la saison, le Belgian National Orchestra a la bonne idée d’offrir au public du Palais des Beaux-Arts des concerts sans entracte intitulés – en anglais, of course – Symphonic Hour et accolant deux œuvres jouées à la suite pour une durée d’environ une heure. Le responsable du chronomètre aura cependant dû être distrait en programmant à la suite le Concerto pour violon op. 64 de Mendelssohn et la Quatrième Symphonie de Brahms, qui font se rapprocher nettement de l’heure et demie... Rares sont ceux dans la salle qui le regretteront cependant.

Daniel Lozakovich
© Johan Sandberg / Deutsche Grammophon

Le concerto de Mendelssohn permet en effet d’assister à une prestation exceptionnelle de Daniel Lozakovich, qui se montre un magnifique interprète de cette œuvre à la forme et au ton à la fois si libre et classique. De la fabuleuse prestation du soliste, on ne sait qu’admirer le plus : le goût parfait, la pureté du son, la variété des couleurs, la finesse des nuances, l'intonation irréprochable, la maîtrise de l’archet, la justesse du style, la musicalité exquise. Il y a chez le jeune musicien suédois quelque chose de la grâce et de la spontanéité du jeune Menuhin comme de ce classicisme à la fois probe et humain d’un Grumiaux. Si on ajoute le frissonnement provoqué par le vibrato rapide le plus excitant dans l’extrême aigu des violonistes de l’heure (à égalité cependant avec Vilde Frang), on aura compris que nous sommes ici face à un talent qui sort résolument de l’ordinaire. Chaleureusement applaudi par un public conquis, Lozakovich le remerciera par un sensationnel Caprice n° 24 de Paganini.

Après avoir accompagné le soliste de façon très vivante et soignée malgré une sonorité par moments un peu massive (quelques pupitres de violons en moins auraient sans doute aidé), l’orchestre se montre dans sa meilleure forme sous la baguette de l’excellent Michael Schønwandt dans une Quatrième de Brahms de très haute tenue. Très bien servi par un BNO aussi bien préparé que désireux de bien faire, le chef danois fait forte impression dans l’Allegro non troppo initial, tant par sa maîtrise de la ligne longue et sa façon d’assurer la transparence du tissu orchestral que par sa capacité à naturellement construire et maintenir la tension.

C’est avec une vraie tendresse dépourvue de toute affectation qu’il aborde ensuite un Andante moderato aux phrasés élégamment galbés, suivi d’un Allegro giocoso plein d’esprit et de finesse. Mais c’est dans l’immense finale que le chef associé du BNO se montre à son meilleur, mettant ici l’accent sur la cohérence symphonique de la musique et son irrépressible vitalité plutôt que d’y instaurer cette atmosphère d’apocalyptique fin du monde que d’autres ont su y trouver.

La prestation de l’orchestre mérite elle aussi les plus vifs éloges : toutes les sections se montrent remarquablement sûres, à commencer par les cuivres si importants dans cette musique (avec mention spéciale pour l’excellent pupitre de cors tout au long de l’œuvre et les trombones dans le finale). Les bois sont comme toujours remarquables, avec des solistes aussi techniquement solides que pleins de personnalité et d'imagination. On félicitera aussi les cordes de l’orchestre bruxellois, à commencer par les altos, violoncelles et contrebasses, merveilleusement chantants de bout en bout. Le seul petit bémol concerne les violons du BNO, certes volontaires et impliqués, mais à la sonorité dans l’aigu encore perfectible.

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