Un classique au programme de l’Opéra de Rome, puisque c’est la huitième année que Nabucco est donné en représentation dans le cadre des Thermes de Caracalla ; l’œuvre de Verdi ne cesse pour autant de ravir les oreilles du public romain. Reprenant la mise en scène de l’an passé, les équipes de l’opéra de Rome ont déjà eu le temps de s’approprier l’œuvre et de la façonner au point de nous livrer aujourd’hui une interprétation bien maîtrisée et soucieuse de transmettre avec justesse des émotions toujours aussi authentiques.
Sur scène, un décor grisâtre et désolé fait de baraquements en béton armé à moitié effondrés dont les décombres font écho aux pans de ruines qui se détachent en arrière scène. Continuité matérielle de la mise en scène donc et témoin immuable de la fuite du temps, les ruines antiques constituent le fond de scène permanent de l’action et installent l’intrigue dans un cadre intemporel. Selon le metteur en scène, Federico Grazzini, la volonté ici est de créer un lieu anonyme, ambiguë, archaïque et contemporain à la fois.
Ainsi, Nabucco, et plus tard Abigaïlle, deviennent les chefs d’une armée médiévale exhibant armures, boucliers et lances de combat, avec laquelle ils vont envahir, profaner et transformer le lieu sacré du peuple hébreu, en prison. Les milices nous transportent dans des temps plus anciens, une sorte d’anachronisme voulu replaçant l’intrigue dans un contexte universel et éternellement contemporain. Les costumes sont d’une grande simplicité, eux aussi dans des tons gris ou passé. Dans les deux derniers actes, les uniformes de détenus remplacent les habits neutres, longs et couvrants portés au début de l’opéra. Les solistes - et notamment Abigaïlle dans sa robe noire de jais - s’imposent par effet de contraste sur les autres personnages.
Outre le contraste visuel, Csilla Boross, l’interprète d’Abigaïlle, éblouit par sa performance vocale. La soprano hongroise atteint les aigus sans difficulté avec une voix brillante, maîtrisée et projetée avec contrôle. Son jeu d’actrice est également à applaudir, notamment dans la première scène de l’acte deux où elle découvre ses origines et se laisse emporter par la colère et la frustration. Face à la puissance de la voix de Csilla Boross, les autres interprètes ont malheureusement du mal à subjuguer le public. Cependant les performances de Riccardo Zanellato en tant que Zaccaria et celle de Gevorg Hakobyan en Nabucco sont également de grande qualité pour d’autres raisons.