L’Orchestre de Pau Pays de Béarn accueillait, pour cette nouvelle session, le jeune chef tchèque Jiří Rožeň, accompagné par le pianiste Adam Laloum pour un programme très romantique : Hersant, Rachmaninov et Dvořák ont tous gardé un goût ou une admiration du passé, réel ou fantasmé, et leurs œuvres ne sont pas dénuées d’un certain lyrisme, propre au XIXe siècle, que l’on va retrouver dans l’interprétation.

L’OPPB offre en ouverture Patmos de Philippe Hersant, double hommage à Lorand Gaspar, source d’inspiration de la pièce et auteur d'un recueil de poèmes éponyme, et à Jean-Louis Florentz, compositeur et ami disparu de Hersant. L’œuvre pour orchestre à cordes est construite en plusieurs numéros, autour d’une citation de Qsar Ghilâne (composition de Florentz), plus précisément selon Hersant d’un « bref passage, dévolu aux seuls instruments à cordes, et qui m’avait frappé, dès la première audition, par son éloquente et fervente simplicité ». Jiří Rožeň adopte une direction douce des mains pour cette pièce qui débute par un thème entêtant aux violons dans le suraigu, ponctué d’autres interventions polytonales. Avec un minimum de gestes, se limitant presque à la battue seule, le chef amène l’orchestre d’une nuance à une autre, passant par différents registres : chauds, épiques, chantants. Après un grand passage central homorythmique à donner des frissons, la pièce laisse plus de place aux solistes de chaque pupitre. Le solo de violoncelle riche de chromatismes, ponctué par de grands soupirs credescendo-decrescendo de l’orchestre, est particulièrement émouvant. Le dernier numéro consiste en un grand tour d’horizon de l’orchestre, avec un sujet à la contrebasse accompagné de pizzicati des autres instruments. La fin manque de coordination même si Jiří Rožeň tente un geste suspensif.

Le piano installé, l’orchestre revient sur scène pour le Concerto pour piano n° 3 de Sergueï Rachmaninov en compagnie d’Adam Laloum. L’attaque est immédiate avec le thème simple et entraînant de l’« Allegro ma non troppo ». Baguette à la main gauche, le maestro synchronise parfaitement son orchestre avec le virtuose qui débute déjà ses traits endiablés avec une vélocité facile. Le dialogue et l’échange de motifs avec l’ensemble palois est espiègle, presque comique. Le pianiste alterne parfaitement ses rôles de soliste mais aussi d’accompagnateur, en particulier de la flûte, avant que le cor ne sonne la réexposition. Jiří Rožeň s’emploie à préfigurer, lors de l’introduction orchestrale de l’« Intermezzo », le lyrisme à venir du piano. Adam Laloum déploie ensuite un rubato marqué qui rappelle le statut si romantique et si décalé de l’œuvre par rapport à son temps. Les sonneries et la marche du finale ne sont jamais lourdes ou caricaturales. Le piano rit presque malgré ses traits virtuoses et la transe finale est clôturée par des percussions et une chevauchée orchestrale fortissimo.

Ouvrant la Symphonie n° 8 dite « Tchécoslovaque » d’Antonín Dvořák, Jiří Rožeň entre dans son répertoire de prédilection. Il propose un premier mouvement extrêmement puissant dans lequel l’aspect pathétique des thèmes est accentué. Par contraste, cela lui permet d’exposer avec plus de détails les couleurs orchestrales du mouvement lent (« Adagio – Poco più animato ») même s’il s'emploie à plusieurs reprises à contenir les violons pour laisser passer les solos de vents. Jiří Rožeň accroît ensuite le caractère dansant du scherzo avec une gestuelle plus ample, paumes ouvertes. Les premières sonneries de trompettes annonçant le finale détonnent quelque peu, avant de céder la place au thème présenté par des altos très lyriques. Le maestro déchaîne toute la puissance de son orchestre et fait claquer les cuivres, déclenchant facilement une ovation immédiate et méritée.

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