Décidément, l'Orchestre philharmonique de Radio France est en grande forme ! Quinze jours après un mémorable concert d'ouverture de saison, la phalange s'est à nouveau illustrée dans une Sixième Symphonie de Chostakovitch survitaminée.

Bomsori Kim, Santtu-Matias Rouvali et l'Orchestre philharmonique de Radio France © Dimitri Scapolan
Bomsori Kim, Santtu-Matias Rouvali et l'Orchestre philharmonique de Radio France
© Dimitri Scapolan

Mais c'est d'abord la violoniste Bomsori Kim qui entre en scène pour le Concerto de Tchaïkovski. Le phrasé et les effets théâtraux sont très soignés et la soliste n'hésite pas à sortir de l'ordinaire : ainsi le premier thème du premier mouvement, attaqué dès le début sur la corde de ré (plutôt que sol), prend une coloration plus claire et directe que chaleureuse.

Le Concerto se déroule ainsi, sur cette tonalité électrisante et parfois déroutante mais qui ne manque pas de panache. Les moments les plus rythmiques (cadence et conclusion du premier mouvement, finale) sont d'ailleurs ceux qui emportent le plus l'adhésion. Dans la cadence, la gestion du temps est remarquable. La soliste décide de réduire les nombreux silences à peau de chagrin, bâtissant des monuments de tension à un rythme effréné avant de s'immobiliser dans le trille final, laissant s'épanouir la réexposition qui apparaît ainsi comme l'alanguissement tant attendu.

C'est par ce minutieux travail de l'architecture que la soliste parvient à tirer son épingle du jeu dans ce Concerto. Car disons-le franchement : Bomsori Kim n'est pas vraiment une violoniste lyrique. Le vibrato se charge toujours de la même coloration survoltée et, surtout, le son ne parvient pas à emporter les oreilles de l'auditeur malgré l'acoustique chaleureuse de l'Auditorium de la Maison de la radio. Cette première parisienne reste cependant un joli succès pour la violoniste sud-coréenne, acclamée par la public. Belle revanche pour celle qui, auréolée d'une dizaine de prix internationaux, s'était fait voler la vedette au Concours Long-Thibaud 2014 !

À programme court (soixante-six minutes sans entracte), symphonie express. Ce sera la Sixième de Chostakovitch qui, en plus d'offrir une parenté bienvenue avec le Concerto de Tchaïkovski, propose à l'auditeur tout un monde bigarré, de l'immensité glacée de ses adagios à la musique de fanfare typique du compositeur, en passant par un scherzo qui sonne comme une danse maléfique et goguenarde.

Trente-cinq minutes : c'est le temps qu'il faudra à Santtu-Matias Rouvali pour exposer l'étendue de son talent. On est très surpris, dès le premier mouvement, par son dynamisme et sa battue, toujours légère et enthousiaste. Le résultat est d'autant plus étonnant dans cet Adagio initial habituellement étouffant, aride, dénué de tout effet de libération de la masse sonore. D'où cet extraordinaire passage où les cordes se passent un motif entièrement en trilles, coulant comme les veines souterraines de l'écosystème symphonique. Rouvali prend la parole de Chostakovitch au mot, lui qui décrivait sa symphonie comme reflétant « les sentiments du printemps, de la joie et de la jeunesse ». On est bien loin du pesante que l'on peut ressentir dans la plupart des enregistrements de l'ouvrage.

Rien de semblable dans les deux mouvements suivants. Si Rouvali y fait toujours preuve d'un formidable sens de la conduite, on y admire plus la cohésion d'un Orchestre philharmonique de Radio France très en forme. Les interventions des différents solistes de la petite harmonie (notamment cor anglais et flûte solo) emportent l'adhésion franche du public. Les cordes ne sont pas en reste, avec une intervention survoltée de la violon solo Hélène Collerette, surprenante de tenue et de rigueur rythmique. L'orchestre frappe par l'homogénéité des timbres dans ses pupitres de cordes, et si l'enveloppe sonore manque un peu d'intensité en comparaison des traditions orchestrales russes et allemandes, le panache de la section des cuivres achève d'emporter l'auditeur.

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