Dans la programmation du festival Piano aux Jacobins, le virtuose Alexandre Tharaud était bien évidemment très attendu. Celui qui fêtera ses cinquante ans en fin d’année 2018 n’est plus à présenter tant sa personnalité s’est imposée dans le paysage français et international. Son concert, qui se produisait en toute logique à guichet fermé, offrait un programme éclectique embrassant une large période de l’histoire de la musique, de Couperin à Webern tout en passant par Beethoven. Se posait alors la question de l’interprétation de ces grands maîtres dans l’alcôve intimiste des Jacobins.
Le pianiste, homme simple qui joue modestement avec partition, se présente devant le public toulousain pour un premier moment musical constitué de six titres issus des différents livres de pièces pour clavecin de François Couperin (en particulier du troisième livre). Sur un piano qui tranche déjà avec l'instrumentation originale, Alexandre Tharaud opte pour un jeu très lyrique et romantique. Ainsi La Logivière et ses trilles impétueux – comme Les Cabotins et les cabotines ou Les Roseaux – inclut un rubato très marqué et distendu. Puis le pianiste profite de la verticalité de l’écriture de la Passacaille pour faire sonner davantage son instrument et ressortir les différentes voix du contrepoint, rendant le concert plus dynamique. Les Ombres errantes sont très dolentes et intimistes, bien que gâchées par les passages d’avions grondant au loin. Le Tic-toc-choc offre une démonstration conjointe d’humour et de virtuosité pianistique. Ce dernier numéro met aussi en avant un problème technique récurrent de cette scène : l’amplification extrêmement résonnante de la pédale du piano à chaque activation.
Le début de la seconde partie est également une belle épreuve d’interprétation. La passivité s’installe néanmoins dans l’écoute du public, ce malgré les efforts interprétatifs du pianiste qui tente de jouer sur les nuances proposées par les sauts d’ambitus (« Sehr mässig »), puis sur les salves techniques (« Sehr schnell ») pour épicer les arides Variations opus 27 d’Anton Webern.