Pour apprécier un trio, autant prendre les meilleurs. Ce soir à la Philharmonie de Paris, nous ne sommes pas face à un groupe de musique de chambre déjà constitué, qui se connaîtrait par cœur et depuis longtemps, mais devant trois personnalités distinctes et éclectiques, chacune très forte de sa longue expérience de soliste.
Le deuxième trio du soir est celui de Ravel, emmenant le public dans une toute autre forme de poésie. Thibaudet introduit les thèmes avec un jeu léger et rêveur, les autres lui répondent sur le même ton. Quelques mesures suffisent pour installer l'univers de l’œuvre, dans la délicatesse propre au style ravélien, mais aussi avec une grande clarté du récit et des contrastes prononcés. La fluidité avec laquelle les trois musiciens se passent la parole est sans doute le fait le plus impressionnant, donnant la sensation qu'ils parlent d'une même voix. Leurs prouesses individuelles sont indéniables, notamment dans le deuxième mouvement « Pantoum », animé par leurs traits virtuoses et l'élan qui les entraîne. Malgré cela, leur interprétation manque légèrement de souplesse. On commence à distinguer une tendance chez Batiashvili et Capuçon à faire bande à part, à rarement échanger avec Thibaudet derrière eux. Dans la partition, le violon et le violoncelle sont certes plus enclins à prendre des places de solistes mais il est dommage de sentir le piano à ce point en retrait.
En bis, et pour le triste anniversaire des attentats du 13 novembre, les trois musiciens jouent un extrait du trio de Tchaïkovski, funèbre et lyrique. On les regarde partir avec émotion, heureux d'avoir vu naître sous nos yeux un vrai groupe, un trio unique et uni.