En ce mitan du Festival de Pontlevoy dont la tenue mérite d'être saluée en raison, ici comme ailleurs, des impondérables sanitaires avec lesquels il faut composer, le Trio Zadig est venu proposer trois œuvres dont la diversité thématique et musicale n'a pas manqué de susciter l'intérêt. Reposant sur de vibrantes ressources, l'ensemble fait montre d'une grande sensibilité dans le Premier Trio élégiaque de Rachmaninov, d'une étourdissante vivacité dans le Trio n° 39 de Haydn avec son dernier mouvement « à la hongroise », puis d'une imposante et virtuose générosité dans le Trio « à l'Archiduc » de Beethoven.
Ce dernier, pièce maîtresse de la soirée, est marqué par le soin particulier apporté aux nuances dès les premières mesures : l'alternance rapide entre accentuations, nuances piano, crescendos, sur le fond cantabile des cordes crée un effet entraînant et d'une profonde sensibilité. Dynamisme et expressivité sont conservés tout au long du premier mouvement, traversant avec une élégance et une apparente facilité des traits de plus en plus brillants. La virtuosité de Ian Barber au piano avec ses innombrables trilles trouve dans le jeu des cordes très présentes un soutien tout en fluidité, et un répondant fait d'enchaînements parfaitement concertés.
Dans le scherzo, le staccato initial et ses retours laissent apparaître un jeu énergique et clair, sachant cependant, chaque moment venu, laisser place, non sans charme, au thème mélodique du mouvement. En un contraste saisissant, l'œuvre se poursuit en se nourrissant du recueillement de l'Andante, profondément vécu par les interprètes. Les nuances sont d'une extrême finesse et la pureté des aigus du clavier, du violon et du violoncelle séduisent, prenant tour à tour la partie principale. Le mouvement final permet d'illustrer l'ensemble des qualités du trio : expressivité d'un enthousiasme festif et rayonnant, précision, finesse, complicité dans le jeu complexe des nuances. La vivacité du tempo soutenu par l'ensemble et la virtuosité sans cesse sollicitée du clavier de Ian Barber s'ajoutent aux aspects les plus immédiatement frappants de l'interprétation.
Constituant la première partie du récital, le Premier Trio élégiaque de Rachmaninov, puis le Trio n° 39 de Haydn ont réalisé, en quelque sorte, un prélude à l'écoute du trio beethovénien. L'énoncé du thème de l'élégie composée par Rachmaninov repris, après le piano, par le violoncelle montre combien le jeu sensible du violoncelliste Marc Girard-Garcia peut donner à la gravité du propos un écho infini. Ce message musical développé en des traits finement sculptés par les instruments, presque toujours dans le registre inspiré du mezzo forte voire du pianissimo s'est trouvé traversé, un moment, par l'intervention animée du violon à la puissante sonorité mais aussi au jeu subtil de Boris Borgolotto. Le Trio de Haydn auquel les interprètes ont su donner ensuite beaucoup de légèreté au mouvement introductif mais aussi un caractère plus méditatif sous l'archet inspiré du violoniste dans le deuxième mouvement, a clôturé la première partie du concert sur le brillant dernier mouvement tzigane très enlevé.
Si le piano a parfois paru en retrait face aux fortissimos des archets, la configuration du lieu, avec sa scène particulièrement haute, peut expliquer cette sensation et les musiciens ont su s'adapter au fil du concert, les équilibres étant parfaits dans Beethoven. Le public ne s'y est pas trompé, venant saluer en nombre les membres du Trio Zadig avant de se séparer.