Après une édition 2020 annulée en raison du contexte sanitaire, le Festival de La Chaise-Dieu retrouve un semblant de normalité avec une programmation toujours aussi alléchante, même si elle laisse la place cette année à des effectifs plus modestes et moins internationaux qu’à l’accoutumée. Le concert de ce soir fait presque exception avec son double orchestre, puisque l’Orchestre National d’Auvergne, historiquement lié au festival, est rejoint par l’Ensemble Orchestral Contemporain pour un programme autour du néo-classicisme dans la musique franco-russe, solidement dirigé par Roberto Forés Veses.

Le trop rare Dumbarto Oaks Concerto de Stravinsky ouvre le concert, alors que l’on commémore les 50 ans de la disparition du compositeur. Écrite pour une quinzaine d’instrumentistes, l’œuvre promène l’auditeur entre toutes sortes de styles, d’une fugue à la manière de Bach à des accents tranchants aux cordes évoquant Chostakovitch, le tout tenant plus souvent du pastiche que de l’hommage. Les innombrables changements de mesure ne semblent pas perturber le maestro qui garde tout son calme au podium et assure, en un minimum de gestes (dont une amusante mais discrète danse des épaules) une interprétation fluide et équilibrée.

Telles seront d’ailleurs les principales qualités des deux autres œuvres symphoniques, à commencer par le second opus stravinskyen de la soirée, la fameuse suite tirée du ballet Pulcinella. Si les maîtres anciens ne sont jamais loin, tel Pergolèse dans la sicilienne du deuxième mouvement, Stravinsky ne cesse de nous ramener à la modernité par des accents soudains ou autres irrégularités rythmiques. Là encore, les tempos sonnent justes et l’élégance est de mise dans une pièce qui met particulièrement bien en valeur les solistes des deux orchestres : mention spéciale au hautbois solo Florent Charreyre, impressionnant de sérénité, et à la violoniste Ann-Estelle Médouze, lumineuse et impeccable de bout en bout.

Il était par ailleurs difficile de ne pas programmer la Symphonie nº 1 de Prokofiev dans un concert explorant les inspirations du néo-classicisme. Aussi Forés Veses semble prendre cette symphonie au premier degré, ne surjouant pas les effets satiriques mais au contraire conférant à l'ouvrage une noblesse et un élan bienvenus, insistant par exemple sur un legato soyeux dans le Larghetto central.

Au centre de la soirée figurait la seule œuvre française, le Concerto en sol de Ravel, avec au piano François Dumont. Le pianiste, qui a enregistré les deux concertos avec l’Orchestre national de Lyon en 2019 pour Naxos, livre une version droite et sans atermoiements de la pièce aux influences là aussi multiples. Après avoir mis en exergue le blues du premier mouvement par une main gauche rebondie, le soliste interprète un Adagio assai central touchant de sincérité et de simplicité, optant pour une sonorité ronde sans jamais se montrer mièvre.

Si l'on pourra regretter l’acoustique de l’Abbatiale Saint-Robert (qui semblait parfois peu adaptée à ce programme moderne, avec des plans sonores bousculés rendant difficilement perceptible par exemple toute la dentelle ravélienne), on retiendra avant tout la fusion réussie de deux orchestres sous la houlette d’un chef inspiré.


Le voyage d'Augustin a été pris en charge par le Festival de La Chaise-Dieu.

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