Pour inaugurer la saison 2015-2016 du Palais Garnier, Stéphane Lissner a choisi une valeur sûre avec cette production de Platée de Jean-Philippe Rameau (1683-1764), dirigée par Marc Minkowski et mise en scène par Laurent Pelly.
Septième opéra de Rameau, Platée est sans doute, avec Les Indes Galantes, le plus populaire. Il fut créé à Versailles en 1745 à l’occasion du mariage du Dauphin, fils de Louis XV, avec l'infante d’Espagne. Sur un livret inspiré de Platée ou Junon jalouse, du dramaturge Jacques Autreau, cette comédie lyrique nous conte comment les Dieux de l’Olympe utilisent Platée, nymphe laide et vaniteuse, pour guérir Junon de sa jalousie envers Jupiter.
Force est de constater que le millésime 2015 de ce grand cru opératique créé en 1999 est particulièrement réussi. Ce succès doit beaucoup au plateau vocal presque entièrement renouvelé, qui fait la part belle aux jeunes talents lyriques français. À tout seigneur, tout honneur : c’est à Philippe Talbot qu’incombe la délicate mission de succéder à Paul Agnew. La voix est claire, bien assurée dans les deux premiers actes ; le timbre évolue entre le miel et le métal, comme la personnalité de la nymphe des marais : tour à tour hautaine, vaniteuse, amoureuse, nymphomane et enfin déconfite. Joignant au chant le geste et l’expression corporelle, Philippe Talbot est irrésistible, notamment dans ses mimiques et ses bonds de batracien sautillant. Son « soupirant » Jupiter est interprété par l’impeccable François Lis, unique rescapé du millésime 2009. Sa voix ample et chaude rayonne de souveraineté olympienne, sans pour autant lui faire négliger les aspects comiques du personnage.
La Folie, c’est Julie Fuchs. Éblouissante, traversant la représentation telle une comète, elle se joue de toutes les difficultés, vocales et scéniques. Son air « Aux langueurs d’Apollon Daphné se refusa », délirante parodie d’air à l’italienne, est un triomphe. Prenant tous les risques, elle y enchaîne les vocalises avec une désinvolture, un naturel et une assurance époustouflants. Sans parler de la beauté du timbre : à tomber ! Ses talents de comédienne, révélés dans la Ciboulette de Michel Fau en 2013 à l’Opéra Comique, complètent à merveille sa prestation vocale. Son engagement est total, et à l’évidence elle s’amuse… comme une folle ! Il faut la voir arracher les feuilles de sa désormais célèbre robe. Comme si elle tenait ce rôle depuis toujours ; comme si elle chantait à l’Opéra de Paris depuis toujours. Pourtant, en ce soir de deuxième – devenue première pour cause de grève – elle y fait ses débuts. On ne pouvait imaginer plus belle reprise de ce rôle, très marqué par la personnalité de Mireille Delunsch.