Il n'y a pas foule ce jeudi soir pour le concert d'ouverture de la saison de l'Orchestre de chambre de Paris au Théâtre des Champs-Élysées. Sans doute les mouvements de grève de la journée et les perturbations dans les transports ont-ils dissuadé une partie du public, mais le programme n'est peut-être pas étranger à cette relative désaffection. On est en droit de s'interroger : alors que toutes les autres formations parisiennes ouvrent leur saison avec des programmes clairement identifiés comme français voire rattachés à Paris, on se demande ce qui a conduit Thomas Hengelbrock et l'Orchestre de chambre de Paris à réunir Hummel, Franz Xaver Mozart et Dvořák, dont on ne sache pas qu'aucun d'eux ait jamais eu un lien avéré avec la capitale. Quand l'argent public et le soutien aux entreprises culturelles se raréfient, il ne semblerait pas inutile d'afficher une ambition patrimoniale plus soutenue...

Thomas Hengelbrock dirige l'Orchestre de chambre de Paris au TCE © Orchestre de chambre de Paris / Edouard Brane
Thomas Hengelbrock dirige l'Orchestre de chambre de Paris au TCE
© Orchestre de chambre de Paris / Edouard Brane

Certes, le mélomane curieux de raretés est servi. Les bons compositeurs contemporains de Haydn, Mozart ou Beethoven se comptent par dizaines, et nombre de leurs œuvres ne méritent pas les oubliettes. Le seul tort de Johann Nepomuk Hummel est d'être né huit ans et mort dix ans après Beethoven, d'avoir connu en son temps une célébrité qu'il devait à ses talents de pianiste – il est l'auteur de huit concertos pour piano qu'on ne joue plus jamais ! L'ouverture de son opéra Mathilde de Guise (1810) a belle allure, avec quelques originalités (une introduction lente confiée à trois violoncelles solos, une petite fugue centrale, quelques accents dramatiques), mais elle sort de la mémoire sitôt jouée. L'Orchestre de chambre de Paris s'en sort avec les honneurs, même si la direction toute en nerfs de Hengelbrock gagnerait à se décontracter.

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Thomas Hengelbrock dirige l'Orchestre de chambre de Paris au TCE
© Orchestre de chambre de Paris / Edouard Brane

Quant au Concerto pour piano n° 2 de Franz Xaver Mozart, benjamin des six enfants que Wolfgang eut avec Constance, c'est un peu comme dans la célèbre publicité d'autrefois pour un grand magasin, on y trouve de tout. L'œuvre date de 1818, elle est donc postérieure aux cinq concertos de Beethoven, aux deux de Weber... et aux deux premiers de Hummel, le dernier élève de son père, dont il suivit à son tour l'enseignement. On peut s'amuser à décortiquer ce concerto en trois mouvements, y chercher l'influence, voire des citations, du papa, de Hummel, de Weber, des tournures imitées de Beethoven ou qui annoncent la fantaisie, sans le génie, des futurs concertos de Mendelssohn.

Cela ne manque ni de traits virtuoses, de gammes ascendantes ou descendantes, de variations fuguées, qui nécessitent un talent de la trempe de Martin Helmchen pour en faire un peu de musique, mais l'inspiration mélodique est désespérément sèche. L'œuvre ne serait pas signée d'un illustre patronyme, on n'est pas sûr qu'elle serait encore jouée. Cruellement, mais heureusement pour nous, Martin Helmchen reviendra en bis nous prouver que le génie n'est pas héréditaire avec le sublime « Adagio » de la Sonate K.332 de « Papa Mozart », comme le pianiste l'annonce lui-même. Un mot encore à propos de ce formidable musicien, beaucoup trop rare en France. Thomas Hengelbrock se vante du fait que Martin Helmchen avait spécialement appris ce concerto du fils Mozart pour ce concert... Que ne l'a-t-il invité pour un grand concerto du père ou de Beethoven ! Paris se doit de le réinviter au plus vite.

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Thomas Hengelbrock dirige l'Orchestre de chambre de Paris au TCE
© Orchestre de chambre de Paris / Edouard Brane

Il y a quelques mois, l'Orchestre de chambre de Paris avait déjà tenté une symphonie de Dvořák – la Septième, sous la direction de Nicolas Altstaedt. Ce soir Hengelbrock confronte ses musiciens à la Huitième, et on n'est pas si loin finalement des qualités... et des quelques défauts que révélait la précédente. L'effectif des cordes est vraiment trop mince pour assumer les grands élans romantiques du compositeur bohémien. Et comme, en plus, Hengelbrock – comme Altstaedt l'an passé – phrase à la baroque, avec des archets courts, la dynamique interne des quatre mouvements de la symphonie s'en trouve comme bridée. Mais il faut louer d'abord le travail stylistique du chef, la cohérence des phrasés, l'attention portée à toutes les variations d'humeur, à l'esprit rhapsodique de la symphonie la plus lyrique de son auteur. Ce serait parfait si Thomas Hengelbrock emportait le tout d'un geste large, irrésistible, qui viendrait unifier des séquences séparément très réussies.

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